vendredi 22 mai 2015

Mariage en cinquante nuances de gris

Nous connaissons déjà le « mariage blanc », contracté « dans le seul but de faire bénéficier l'un des deux conjoints des avantages que confère la loi aux époux, en matière d’acquisition de nationalité notamment » selon la définition du ministère français de la justice. Il est évident que la naturalisation n’est pas la seule motivation à la commercialisation de l’union maritale. Ne plus avoir à payer l’impôt sur les revenus, ou du moins, en réduire le montant, bénéficier d’une mutation pour la fonction publique sont autant de motifs récurrents mais difficilement décelable lorsque la supercherie concerne un couple franco-français.
La crise financière aidant, ce business a pris un essor considérable. Des personnes en quête d’argent facile monnaient un contrat nuptial et quelques mois de vie commune contre une importante somme d’argent. Le ministre Éric Besson a introduit, en 2009,  la notion de « mariage gris » qu’il définit comme : « une escroquerie sentimentale à but migratoire » dans laquelle l’un des deux conjoint commet une fraude. Il se distingue du mariage blanc, en ce que ce dernier est organisé par au moins deux complices, en l’occurrence les époux, qui encourent une peine allant jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.
Si dans la définition du mariage blanc la naturalisation s’immisce timidement, laissant supposer qu’elle ne serait pas l’unique but de la manœuvre, il n’en va pas de même pour le mariage gris, qui  lui, est une fraude commise exclusivement par une personne immigrée. Celle-ci use « d’escroquerie aux sentiments », dupant son partenaire afin d’acquérir la nationalité française. Dans un article paru dans le figaro le 3 avril 2015, le mariage gris est décrit comme une spirale de problèmes infligée à une victime par un « étranger ».
Le mensonge, la mauvaise fois, l’appât du gain… sont autant de perfidies  perpétrées par l’Homme depuis la nuit des temps. Le stéréotype est un raccourci auquel nous pouvons avoir recours dans la conception même de l’union, indépendamment de la nationalité du couple. Quelle serait la couleur d’un mariage entre une jeune croqueuse de diamants simulatrice et un homme âgé, riche et amoureux ? Quelle serait la couleur d’un mariage lorsqu’un homme avide et ambitieux dénué de tout sentiment séduit une riche héritière naïve ?
Nous pouvons aussi rester dans le thème de l’immigration et parler d’une catégorie de victimes dont le sort est complètement passé sous silence. Cette fois-ci, la victime est l’étranger. Il y a de nombreux cas où le citoyen français, use soit de sentiments amoureux ou d’une promesse d’une vie meilleure pour épouser une jeune femme rencontrée pendant ses vacances à Hanoi ou à Marrakech. Une fois arrivée à Paris, une autre réalité l’y attend. L’amour est troqué par la servitude, la liberté par l’esclavage. Il n’y a pas de couleur pour ce mariage, il est transparent. Il passe inaperçu. La victime n’a pas de mots pour le dire, elle a seulement le choix entre deux possibilités : supporter son calvaire le temps d’obtenir un titre de séjour et voler de ses propres ailes ou bien retourner dans son pays, à sa misère d’avant. Il m’est arrivé de rencontrer des femmes ayant vécu cette injustice durant mes missions d’examinatrice d’épreuves de français oral. Une candidate m’a raconté qu’elle avait rencontré un français venu en vacances à Manille. Après s’être fréquentés quelques semaines il la demanda en mariage. Elle le suivit en région parisienne, heureuse de faire sa vie avec un homme doux et attentionné. Une fois installée chez lui, ce n’était plus le même homme. Ne maîtrisant pas la langue, elle était complètement dépendante et devait se plier à ses moindres caprices. Ce père de trois jeunes adolescents avait pour dessein d’épouser une femme soumise incapable de se révolter et sur qui il pouvait déverser, à sa guise, toutes ses pulsions masochistes. Les violences n’étaient certes pas physiques, mais la torture psychologique avait son poids.
Nous voyons bien qu’il y a deux poids deux mesures, cet homme a bien contracté un mariage pour s’offrir  une gouvernante à qui il ne versait aucun salaire et qui, cerise sur le gâteau, était disponible pour d’autres services. J’ai fait quelques recherches mais je n’ai trouvé aucun cas similaire dans les statistiques de mariages gris. J’en conclus qu’il s’agit sans doute d’un effet d’optique, et que l’on ne perçoit pas les couleurs de la même manière selon l’endroit où l’on se place. Cela me fait penser au cas de la polygamie. Celle-ci est interdite en France, et on y fait référence de manière générale lorsqu’on parle de tradition africaine ou de confession musulmane, tout cela dans un pays où l’on voit placardé sur d’immenses panneaux publicitaires ce genre de slogans : « le premier site de rencontres extraconjugales- déjà 2 517 426 de membres » !
Tout n’est pas blanc ou gris, il existe d’autres nuances de couleur. La société connaît une crise qui concerne tous les individus, la conception de la famille n’est plus la même qu’il y a vingt ou trente ans. Dans le même article cité ci-dessus, le Figaro désigne l’« étranger » comme responsable de cette forme de violence infligée aux liens sacrés du mariage. Je laisserai le mot de la fin au philosophe René Girard,  qui explique dans son ouvrage «  La violence et le sacré » que la violence est le fondement de toute culture et que la seule manière d’éviter sa généralisation au sein de la communauté est de la canaliser sur une victime émissaire. Par ailleurs, grâce au rôle de substitut qu’endosse la personne immigrée dans le processus victimaire, elle représente un argument de poids dans les discours politiques.



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