mercredi 13 janvier 2016

L’Histoire s’écrit au sang indélébile des innocents

Il y a de cela presque vingt ans, je me rendais à Alger pour le premier congrès du Mouvement Démocratique et Social (MDS). Agée alors de 18 ans, on me proposa de séjourner chez une famille sympathisante du parti d’El-Hachemi Chérif. Je n’oublierai jamais le regard plein d’espoir de la jeune fille sur le portrait qui illuminait la pièce principale. Il y en avait d’autres plus petits, mais celui-ci resta gravé dans ma mémoire. Cette jeune femme avait perdu la vie dans un attentat terroriste à Alger. Sa famille avait tout perdu, sauf le courage. 

 

Aujourd’hui, je suis allée rendre visite à un grand ami, Jean-François. A présent à la retraite, cet homme a consacré sa carrière à l’enseignement et à l’accompagnement des personnes en difficultés, jeunes ou adultes, toutes nationalités confondues. Au-delà d’un métier, c’était pour lui un engagement pour une cause noble, celle de l’accueil des étrangers en France. 

 

La dernière photo prise de Lamia nous accueillait à l’entrée, elle respirait la joie de vivre. Lorsqu’il m’a ouvert sa porte et prise dans ses bras, sa douleur envahit mon corps, ma gorge se serra. Je ne trouvai pas les mots pour le consoler de la perte de sa fille de trente ans. Lamia était tranquillement assise avec son compagnon sur la terrasse de la Belle équipe, rue de Charonne à Paris, lorsque les balles de l’ignorance lui ôtèrent  la vie ainsi que celle de Romain. 

 

La violence n'a pas de frontières, la douleur n'a pas d'identité et l'Histoire toujours aussi violente se répète sans cesse car l'Homme n'apprend pas de ses erreurs. Pis encore, le passé revient pour justifier la haine au lieu d'inciter à la paix. La souffrance et le désespoir  envahissent notre monde sous les yeux indifférents des grandes puissances, qui génocide après l'autre continuent à cultiver la mort pour semer la gloire et la fortune. 

mercredi 9 septembre 2015

Le Tmaknine ou L'usage de la langue comme accessoire de mode


Le Maghreb a vu défiler grand nombre de colons, qui y ont laissé entre autres empreintes, celle indélébile de la langue. En Algérie, comme nous le savons, le dernier en date était la France. L'œuvre civilisatrice a légué à ce pays des traditions qui sont à présent ancrées dans le patrimoine telle que la bureaucratie et autres trésors. La francophonie dont l'usage varie selon les époques, en fait partie.

Depuis que la langue de Molière ne tient plus qu'une place discrète sur les bancs des écoles, on la retrouve en force dans certaines discutions mondaines où elle tente de renaître de ses cendres. C'est comme accessoire de mode qu'elle a réussit à survivre dans un monde où l'artifice est roi, et où seule la langue de bois à droit de cité. 

Il existe un phénomène, dont je ne connais pas la traduction exacte en français, qui est nommé tmaknine, et qui apparait majoritairement chez la gente féminine. Jadis limité aux milieux underground, il est à présent adopté par de plus en plus de jeunes femmes et fait partie d'une panoplie d'accessoires au même titre qu'une coupe de cheveux ou une tenue vestimentaire. C'est une forme de discours assez précieux qui revêt une intonation spéciale. Cette dernière est puisée dans les dialectes qui ont pour caractéristique principale le raffinement. Il y a le parlé algérois ou le parlé tlemcenien. Il suffit de trouver une trace dans son arbre généalogique, se rapprochant de près ou de loin de l'une de ces régions, pour justifier son usage dans une ville comme Oran , sans quoi le risque de paraître ridicule est inévitable.

Le dialecte oranais à vu naître des mots composites, utilisés par tout le monde sans complexe. Les noms de lieux par exemple, autrefois en français, ont survécu sous une nouvelle forme, seule leur prononciation à changé: Tirigou pour le quartier de Victor Hugo ou bien Sinia pour la ville d'Es-Sénia. Ici encore, pour se distinguer en société il faut veiller à bien prononcer ces noms, sous peine de paraître vulgaire et sans instruction.

En effet, la phonétique tient une place prépondérante dans le mouvement du Tmaknine. Les sons n'existant pas dans la langue maternelle sont bien mis en valeur car il montrent à eux seuls la maîtrise du français. Le [ ã ] de croissant sera fièrement arboré tel un joyaux dans une discussion. Gare à celle qui confond [ã] et [õ], erreur monumentale.

Le Tmaknine laisse très peux de place à l'arabe, si bien que lorsqu'on est confronté à une situation qui en exige le recours, l'habitude fait que l'on adopte une intonation française. conséquence désastreuse de cette pratique: la langue maternelle est sacrifiée lorsque ses locuteurs se mettent à la parler avec un accent étranger . Cette dernière ayant sa propre sonorité et n'a donc nul besoin de ce genre d'artifices pour exister!

Si les adeptes du Tmaknine mettaient plus d'ardeur dans la réflexion et la construction de leurs idées, elles n'auraient certes plus le temps pour se soucier de leur élocution, mais on assisterait là à la naissance d'un nouveau mouvement de pensée ! 

vendredi 22 mai 2015

Mariage en cinquante nuances de gris

Nous connaissons déjà le « mariage blanc », contracté « dans le seul but de faire bénéficier l'un des deux conjoints des avantages que confère la loi aux époux, en matière d’acquisition de nationalité notamment » selon la définition du ministère français de la justice. Il est évident que la naturalisation n’est pas la seule motivation à la commercialisation de l’union maritale. Ne plus avoir à payer l’impôt sur les revenus, ou du moins, en réduire le montant, bénéficier d’une mutation pour la fonction publique sont autant de motifs récurrents mais difficilement décelable lorsque la supercherie concerne un couple franco-français.
La crise financière aidant, ce business a pris un essor considérable. Des personnes en quête d’argent facile monnaient un contrat nuptial et quelques mois de vie commune contre une importante somme d’argent. Le ministre Éric Besson a introduit, en 2009,  la notion de « mariage gris » qu’il définit comme : « une escroquerie sentimentale à but migratoire » dans laquelle l’un des deux conjoint commet une fraude. Il se distingue du mariage blanc, en ce que ce dernier est organisé par au moins deux complices, en l’occurrence les époux, qui encourent une peine allant jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.
Si dans la définition du mariage blanc la naturalisation s’immisce timidement, laissant supposer qu’elle ne serait pas l’unique but de la manœuvre, il n’en va pas de même pour le mariage gris, qui  lui, est une fraude commise exclusivement par une personne immigrée. Celle-ci use « d’escroquerie aux sentiments », dupant son partenaire afin d’acquérir la nationalité française. Dans un article paru dans le figaro le 3 avril 2015, le mariage gris est décrit comme une spirale de problèmes infligée à une victime par un « étranger ».
Le mensonge, la mauvaise fois, l’appât du gain… sont autant de perfidies  perpétrées par l’Homme depuis la nuit des temps. Le stéréotype est un raccourci auquel nous pouvons avoir recours dans la conception même de l’union, indépendamment de la nationalité du couple. Quelle serait la couleur d’un mariage entre une jeune croqueuse de diamants simulatrice et un homme âgé, riche et amoureux ? Quelle serait la couleur d’un mariage lorsqu’un homme avide et ambitieux dénué de tout sentiment séduit une riche héritière naïve ?
Nous pouvons aussi rester dans le thème de l’immigration et parler d’une catégorie de victimes dont le sort est complètement passé sous silence. Cette fois-ci, la victime est l’étranger. Il y a de nombreux cas où le citoyen français, use soit de sentiments amoureux ou d’une promesse d’une vie meilleure pour épouser une jeune femme rencontrée pendant ses vacances à Hanoi ou à Marrakech. Une fois arrivée à Paris, une autre réalité l’y attend. L’amour est troqué par la servitude, la liberté par l’esclavage. Il n’y a pas de couleur pour ce mariage, il est transparent. Il passe inaperçu. La victime n’a pas de mots pour le dire, elle a seulement le choix entre deux possibilités : supporter son calvaire le temps d’obtenir un titre de séjour et voler de ses propres ailes ou bien retourner dans son pays, à sa misère d’avant. Il m’est arrivé de rencontrer des femmes ayant vécu cette injustice durant mes missions d’examinatrice d’épreuves de français oral. Une candidate m’a raconté qu’elle avait rencontré un français venu en vacances à Manille. Après s’être fréquentés quelques semaines il la demanda en mariage. Elle le suivit en région parisienne, heureuse de faire sa vie avec un homme doux et attentionné. Une fois installée chez lui, ce n’était plus le même homme. Ne maîtrisant pas la langue, elle était complètement dépendante et devait se plier à ses moindres caprices. Ce père de trois jeunes adolescents avait pour dessein d’épouser une femme soumise incapable de se révolter et sur qui il pouvait déverser, à sa guise, toutes ses pulsions masochistes. Les violences n’étaient certes pas physiques, mais la torture psychologique avait son poids.
Nous voyons bien qu’il y a deux poids deux mesures, cet homme a bien contracté un mariage pour s’offrir  une gouvernante à qui il ne versait aucun salaire et qui, cerise sur le gâteau, était disponible pour d’autres services. J’ai fait quelques recherches mais je n’ai trouvé aucun cas similaire dans les statistiques de mariages gris. J’en conclus qu’il s’agit sans doute d’un effet d’optique, et que l’on ne perçoit pas les couleurs de la même manière selon l’endroit où l’on se place. Cela me fait penser au cas de la polygamie. Celle-ci est interdite en France, et on y fait référence de manière générale lorsqu’on parle de tradition africaine ou de confession musulmane, tout cela dans un pays où l’on voit placardé sur d’immenses panneaux publicitaires ce genre de slogans : « le premier site de rencontres extraconjugales- déjà 2 517 426 de membres » !
Tout n’est pas blanc ou gris, il existe d’autres nuances de couleur. La société connaît une crise qui concerne tous les individus, la conception de la famille n’est plus la même qu’il y a vingt ou trente ans. Dans le même article cité ci-dessus, le Figaro désigne l’« étranger » comme responsable de cette forme de violence infligée aux liens sacrés du mariage. Je laisserai le mot de la fin au philosophe René Girard,  qui explique dans son ouvrage «  La violence et le sacré » que la violence est le fondement de toute culture et que la seule manière d’éviter sa généralisation au sein de la communauté est de la canaliser sur une victime émissaire. Par ailleurs, grâce au rôle de substitut qu’endosse la personne immigrée dans le processus victimaire, elle représente un argument de poids dans les discours politiques.



dimanche 17 mai 2015

La liste de Ménard

Une petite fille vêtue d’un manteau rouge errant dans le décor noir et blanc d’un ghetto. Cette scène du film de Steven Spielberg est la première image qui m’a traversé l’esprit lorsque j’ai entendu les propos tenus par Robert Ménard lors de son passage sur le plateau de Mots croisés sur France 2.
La petite fille fait quelques apparitions,  apportant une touche de couleur dans la noirceur du film. Cette particularité lui confère une identité propre, mais elle cesse réellement d’être un élément du décor lorsque seul son manteau,  apparait au sommet d’une charrette transportant des cadavres au crématorium. L’effet de l’horreur est d’autant plus conséquent, lorsque celle-ci est insinuée, d’une part et surtout lorsque l’on sait qu’il s’agit d’une partie de l’Histoire, romancé certes, mais bien réelle.  
L’intervention de Robert Ménard au  sujet de ce qu’il appelle « le problème avec l’immigration » et qu’il a justifié à travers  le chiffre précis de « 64,6% d’enfants musulmans dans les écoles de sa ville » a sonné comme un aveu à demi-mot. Par quel billet est-il arrivé à ce pourcentage ?  Une liste ? Elle serait en tout cas d’un autre registre que celle de Schindler, sacré juste parmi les nations. Cet homme avide de profit à finit par se tourner vers l’amour de son prochain, et a réussi à sauver 1200 juifs durant la seconde guerre mondiale. Robert Ménard, lui, suit le chemin inverse, créateur de journalistes sans frontière, il fait à présent l’apologie de la xénophobie. Il mérite amplement d’être proclamé « injuste parmi les nations » !
Le chiffre  qu’il a donné rend compte non seulement de la facilité avec laquelle il a procédé à la stigmatisation onomastique de jeunes enfants, mais aussi d’un désir de confiner ces élèves dans une sphère ethnique et religieuse imperméable à la société dans laquelle ils évoluent, pis encore, nocive pour ceux qui la côtoient.
Et si cette fille au manteau rouge s’appelait Malika, et si elle errait dans les rues d’un Béziers encerclé par les troupes d’une armée islamophobe. Ce serait un bon sujet de roman d’anticipation me direz-vous. Oui mais…et si l’Histoire se répétait ?  

samedi 16 mai 2015

La journée de la jupe

« Je veux que dans les deux heures, le gouvernement instaure la journée de la jupe dans les collèges, ce sera le jour où l’état affirme qu’on peut mettre une jupe sans être une pute ». Ce sont les propos tenus par Mme BERGERAC héroïne du film La journée de la jupe. Isabelle ADJANI interprète le rôle de Mme BERGERAC, un professeur de français dans un collège situé en zone d’éducation prioritaire. Celle-ci, à bout de nerfs, retient sa classe en otage. Le huis-clos s’achève en un bain de sang. « Je lui avait pourtant dit de ne pas venir au collège en jupe » confie le directeur aux journalistes. L’affaire de Sarah, la collégienne de Charleville-Mézières exclue pour port de «  signe ostentatoire religieux » est heureusement moins dramatique, du moins personne n’est mort pour l’instant.
D’un côté comme de l’autre, la religion ne cesse de se voir attribuer des relectures de plus en plus loufoques. Les professeurs de Sarah se sont appuyés sur la loi 2004 pour lui interdire l’accès à l’école: « Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit ».  La jeune fille s’est présentée à l’école vêtue d’une jupe longue, et a permis ainsi à  cette tenue d’intégrer le top 10 des habits religieux aux côtés de la burqa et autre tchador. Il est important de rappeler au passage que ces habits traditionnels n’ont pas de lien direct avec le texte coranique, mais c’est encore un autre débat.
Voilà que  les vêtements ont à leur tour une identité, et religieuse de surcroit.  Je me souviens dans les années 90 lorsqu’on nous disait que le jean déchiré était haram, ça nous faisait sourire ! à présent on nous dit que la jupe longue est « trop halal ». Où va le monde ? Pour soigner son apparence, il ne sera plus suffisant de faire appel à un conseiller en image, il faudra consulter un rabbin, un imam, un prêtre, un avocat, un anthropologue, un sociologue… Plus besoin de lire les magazines de mode, il suffit d’ouvrir le journal pour connaître les nouvelles tendances. D’ailleurs, Cosmopolitan faisait justement l’apologie de la jupe longue comme étant un incontournable dans la garde-robe d’une femme, car indémodable et pratique. La fameuse jupe religieuse est appelée «  ethnique style » et se marie aussi bien avec un blouson en cuire qu’avec des baskets. Les goûts, les couleurs et les religions ça ne se discute pas !

jeudi 14 mai 2015

Les hommes viennent des contes et les femmes font les comptes

Lorsque j’étais plus jeune, je pensais que le proverbe disant que les hommes étaient de grands enfants, faisait référence à leur nature enjouée, leur côté joueur… J’ai appris avec l’âge que l’affaire était plus sérieuse. Le fait est qu’ils vivent dans un autre monde. Un monde féérique, peuplé de créatures merveilleuses sorties droit des contes de notre enfance. Voilà pourquoi on dit qu’ils ne grandissent pas tout à fait.
Dans cet univers où règne la magie, la femme n’a pas vraiment sa place car elle n’a pas l’œil pour percevoir cette autre réalité. Des phénomènes étranges se succèdent dans leur quotidien. L’apparition soudaine d’objets est monnaie courante. Un homme peut constater que son frigo est vide en début de journée, lorsqu’il rentre le soir il le trouve plein à craquer. Il ne se pose pas de questions, il sait que des forces extérieures sont à l’origine de cette apparition. Bien qu’il n’ait jamais surpris les petits elfes s’affairer dans la cuisine, nettoyant les moindres recoins, sortant la poubelle, triant les déchets, vidant le lave-vaisselle, il sait qu’ils existent.
La fée du linge a beau lui jouer des tours, il reste impassible lorsqu’il retrouve, bien pliés, sentant la fraicheur de l’orchidée, les vêtements qu’il avait jetés en boule dans un coin de la chambre. En posant le courrier sur le guéridon de l’entrée, il lui arrive d’esquisser un sourire complice à l’attention du farfadet, qui attend dans l’ombre. Celui-ci, sortira de sa cachette pour ouvrir les lettres, jeter les enveloppes usagées dans la poubelle de tri avant d’entamer sa consciencieuse tâche de classement des documents dans des classeurs appropriés.
Oubliez donc mesdames, toutes les idées reçues que l’on peut avoir sur le couple. L’homme ne vient pas de Mars. Le prince charmant existe. Rassurez-vous, une grande majorité d’hommes le sont. Lorsque vous épouserez votre prince, il vous fera vivre un véritable conte de fée, il faudra juste avoir la largeur d’esprit de voir le monde avec ses yeux.